HCI-Tribune

L'émergence d'Etzer Emile dans un vide intellectuel haïtien

Par - Mis à jour le 2025-10-27 à 19:33

Publié le 2025-10-27 à 19:32

Tout sur Haïti !

Par Carlens NAPOLEON

 

 

Etzer Emile est un homme courageux et intelligent. Son émergence dans la sphère publique est la résultante d'un vide de pensée en Haïti. C'est là que se situe donc le mal. L'œuvre qui l'a d'ailleurs propulsé sur le devant de la scène relève d'une forme d'hérésie et une inadaptation au réel. Son livre, intitulé Haïti a choisi de devenir un pays pauvre, s'est présenté moins comme une rupture que comme une tentative de réinvestir un espace déserté par l'intelligentsia. Ses moyens communicationnels temoignent d’une intelligence tactique et stratégique pour faire bouger la toile. 

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Depuis l'accession de Michel Martelly au pouvoir, considéré comme la goutte d'eau ayant fait renverser le vase, on a constaté un effritement massif des valeurs. L'espace public a été investi par des individus dépourvus de pensée critique et de densité intellectuelle. L'ère Martelly a pollué le debat public et a contribué à l'augmentation de la légèreté et de toutes les formes de facilité en Haïti. Le peu de savoir intellectuel haïtien qui subsiste s'est mis au service d'un seul secteur : la politique.

Depuis lors, la pensée critique connaît la plus grande traversée du désert dans le pays; elle a été été censurée par les intellectuels eux-mêmes, afin de ne pas rater la possibilité de se faire appeler pour un poste de ministre ou chef de cabinet. Dans une logique bourdieusienne, l’autonomie du champs s’est effritée sous la pression du capital politique, entraînant la conversion du capital culturel en instrument de légitimation au service des configurations de pouvoir. Les intellectuels, les dernières fines fleurs de notre intelligentsia, se sont transformés en auxiliaire du champs politique ruiné par la corruption et la gabegie administrative. Ce qui a enlevé toute possibilité de débat intellectuel fondé sur la rigueur et la confrontation des idées. D'où l'émergence, dans l'espace public, de figures telles qu'Etzer Emile, Benjamin Louberson dit Ti Youri, Paul Gérot Jean Baptiste dit pa anmèdem, Caleb Jean-Baptiste et toute cette raclure profanant la parole critique, historique et sensée...

Je trouve, par-dessus tout, qu'Etzer Emile est un homme très intelligent. Il a profité de ce vide pour se construire. Ses différentes interventions dans les médias ou dans les forums reposent sur une stratégie de simplification, où la circulation des idées n'est plus un moyen d'émancipation intellectuelle, mais un dispositif de production de visibilité. Si l'on saisit les modes et canaux de diffusion choisis par Etzer Emile dans une perspective foucaldienne, on pourrait dire que son discours opère moins comme acte de connaissance que comme technologie de pouvoir, produisant un effet d’autorité dans un champ dévitalisé. Il a tiré profit de l'absence de débat intellectuel pour véhiculer des propositions faciles et se préparer à un momentum politique. C'est un bon publiciste !

En choisissant de reléguer au second plan les héros de notre indépendance, Etzer Emile ne fait que confirmer son rôle d'entrepreneur symbolique, profitant du vide discursif laissé par la désinstitutionnalisation du savoir en Haïti. La nature, tout comme le champ intellectuel, a l’horreur du vide. Le silence des uns fera toujours émerger la parole des autres voire même le simple geste des sans-mots.

 

Carlens NAPOLEON

Le Philanthrope